Le kibboutz Lahav et le désert autour |
Dorit est française. Dorit est la manager de la supérette du kibboutz dans laquelle je travaille tous les jours de 7h à 11h. Dorit et moi, on parle logiquement français. Dorit est arrivée en Israël il y a 40 ans mais elle ne m’a pas dit pourquoi. Dorit est petite, assez large, a des problèmes de genoux, a des cheveux noirs et a une vague coiffure à la Mireille Mathieu. Dorit me répète tous les jours que même dans une si petite supérette, on arrive toujours à trouver de la place pour installer les produits dans les rayons et ranger la livraison dans l’arrière boutique.
Dorit est gentille. Elle me donne les beignets à la fraise non vendus de la veille pour mon petit déjeuner. Ils sont un peu durs, mais « quelques secondes au micro-ondes et ils retrouvent leur moelleux ».
Moi, je m’occupe tout d’abord des fruits et légumes. Trier ceux qui sont à la vente, en mettre des nouveaux. Je range aussi les livraisons. Il faut trouver de la place dans la chambre froide, toujours. Les concombres, il faut bien les disposer, en trois rangées alignées. C’est plus beau comme ça.
Ensuite, je remplis les rayons boissons. Gazeuses, jus de fruit. Il faut que l’étagère soit toujours remplie.
Après je check les œufs, la farine, le sucre et le sel, de sorte à ce qu’il y en ait toujours à disposition des clients.
Quand j’ai fini tout ça, on me donne des tâches supplémentaires, ponctuelles et variantes. Etiquetage, rangement, etc.
A 11h ou un peu avant, Dorit me laisse aller à mon deuxième boulot : la vaisselle de la cantine.
Depuis quelques jours, je prends la peine de repasser 15 minutes dans ma chambre pour me reposer un peu. J’arrive « en retard » mais personne ne remarque rien. Aujourd’hui je me suis même endormi de 11h à 12h et on ne m’a rien dit.
La cantine ou « dining room », c’est le bâtiment central du kibboutz. On y mange tous les midis, et le mardi et vendredi soir. Evidemment, pas la moitié des membres du kibboutz viennent s’y restaurer. On y voit donc toujours les mêmes têtes. Beaucoup de vieux qui arrivent avec leur petit véhicule électrique à trois roues, entre la moto et la « golfette ».
Ici, c’est un self service. Quand on a fini de manger, on passe dans une pièce où on jette ce qu’il nous reste dans l’assiette et on place ses couverts et son assiette sur des palettes tractées par une sorte de tapis roulant. Le tout passe dans un énorme conduit qui lave le tout et c’est après que j’entre en scène. Quand la vaisselle sort de l’autre côté du conduit, je dois la ranger. Tout simplement. Les palettes maintenant vides continuent d’avancer pour repasser devant les prochains kibboutzniks qui viennent y déposer leurs assiettes sales. Et encore un tour.
L’autre truc, c’est qu’on doit aussi gratter tous les plats, les marmites et les outils qui ont servis à faire la cuisine et les passer dans la machine.
C’est mon activité de 11h à 15h. C’est terriblement chiant, mais après l’avoir fait tout seul les premiers jours, je suis épaulé par deux autres volontaires (temporairement peut-être). On peut donc discuter et parfois rigoler.
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Mon outil de travail principal |
Ce qui caractérise le plus ce kibboutz pour le moment, c’est l’ennui. Après le boulot, on ne fait plus rien. En même temps il n’y a rien à faire. Il fait nuit à 17h. On peut aller à Beer-Sheva avec une navette gratuite qui nous ramène ensuite. Mais là-bas, on se contente de trainer dans le centre commercial. Les autres volontaires ne font rien. Ils en sont conscients, mais continuent dans la passivité. Plus le temps passe, plus je les comprends.
Quelques volontaires sont vraiment sympa, on passe un peu de temps ensemble et on rigole bine. Les autres font partie du décor. Ils sont ici comme ils pourraient être en Ouganda. Israël ne leur inspire rien de particulier. A part peut-être la bouffe et un logement gratuits.
On n’organise aucune activité. Chacun part faire ses voyages de son côté, enfin je crois.
La dernière fois, j’ai fait un foot avec des volontaires et des jeunes kibboutzniks. Ça m’a fait vraiment du bien de faire du foot. Il y a ici des équipements sportifs modernes et c’est très appréciable.
La vie dans le kibboutz ressemble étrangement à la vie dans une maison de retraite, sauf que des enfants y vivent. C’est calme. Très calme. Chaque jour ressemble au précédent. On effectue les mêmes gestes, tranquillement, pour permettre au quotidien de prendre la place qui lui revient de droit. On vit une vie normale, on vit la vraie vie.
Pendant les pauses, on discute de conneries en anglais, ou on se tait. Voilà.
J’ai failli m’échapper pendant les premiers jours. M’échapper… Comme si j’étais en prison. J’ai préféré demander à changer de kibboutz. Je veux travailler à l’extérieur, je veux bosser dans les champs. Tout ce que je fais ici, je l’ai fait à Paris, chez Quick ou chez ED (maintenant DIA). Je ne suis pas en Israël seulement trois mois pour ça. Me lever à 6h, ce n’est pas un problème. Vivre dans un taudis non plus. Je voulais une activité enrichissante, au soleil, dans l’esprit des pionniers d’Israël. La culture de la terre, rendre le désert fertile, c’est l’idée. Qu’il y ait plus de volontaires serait un plus, car y a des kibboutz où ils peuvent atteindre la trentaine pendant l’hiver.
Je suis conscient qu’aujourd’hui, c’est plus comme avant. Tout est déjà bâti. Peut-être me suis-je trompé sur le concept « kibboutz », mais j’en attends un minimum plus que ce que je vois actuellement. Il y a encore des champs, des gens qui cueillent des oranges.
Gentiment, j’ai donc parlé avec mon volunteer leader. Il m’a compris. Je lui ai dit que je voulais bosser en extérieur, que je n’accrochais pas avec les autres bénévoles. Il a négocié, m’a proposé d’alterner le jardinage et le supermarché/vaisselle. J’ai dit non. J’ai eu le KPC au téléphone aujourd’hui. Ils ont un autre kibboutz pour moi : A la frontière avec la Bande de Gaza et un boulot en cuisine. Ils sont drôles au KPC.
En attendant ma réponse négative, mon volunteer leader va me faire bosser à partir de demain en extérieur à la place de la vaisselle. Je dois continuer le supermarché parce qu’apparemment ils sont satisfaits de mon boulot.
J’ai entendu parler d’un kibboutz, dans le nord, à la frontière avec le Liban. Le kibboutz Baram. J’en ai entendu parler comme du Paradis des kibboutz : Verdoyant, beaucoup de volontaires, boulots de merde mais avec évolution. Là-bas, y a un musée et les ruines d’une synagogue très ancienne. Ça a l’air bien. On peut les joindre directement et ils sont affiliés au KPC. Je vais sûrement les appeler. J’attends la fin de la semaine. Car shabbat prochain je vais voir mes tantes qui vivent dans leur kibboutz, Gan Shmuel, et on va se renseigner pour savoir si éventuellement je pourrais bosser là-bas. Y a peu de chances que ça aboutisse mais sait-on jamais…
Super mon Val, quel plaisir de te lire, ça se dévore, c'est du bonheur, j'ai eu l'impression d'être avec toi pendant quelques minutes.
RépondreSupprimerAccroche toi mon Val, je le répète je suis très fière de toi. Ce serais bien que tu changes de kibboutz, mais je te fais confiance pour faire bouger les choses.
Tu ne te contente pas que de prendre ce qui vient dans cette expérience, tu veux plus et ça c'est très important ! Tu en veux, YES !!
je t'embrasse bien fort mon Val !