samedi 5 février 2011

This is Egypt : Première partie


J’avais prévu ce voyage depuis plus d’un mois. Avec mon camarade Andres (Equatorien), nous avions décidé d’aller en Egypte, du vendredi 28 Janvier au Mardi 1er Février. Le voyage est court mais nos destinations majeures : Le Caire, Luxor puis le Sinaï. Mes jours de congés à l’usine étaient pris, et je m’étais battu avec mon boss pour les avoir.
Peu de jours avant notre départ, les manifs et les révoltes commencèrent. Le grondement populaire de la plus grande nation arabe contre le totalitarisme, la pauvreté et l’immobilisme politique n’avait pourtant pas altéré notre détermination. Malgré les recommandations familiales, les personnes en charge des volontaires au kibboutz nous implorant de rester, notre décision était prise. Nous irions en Egypte. Nous pensions que les quelques morts au Caire durant les protestations n’étaient que le reflet de la répression dictatoriale, et que le mouvement s’essoufflerait rapidement. Nous étions naïvement à côté de la plaque.

Jeudi 28 Janvier dans l’après-midi. Nous sommes déjà à Haïfa, réservant nos billets de bus en direction d’Eilat, aller et retour le mardi 1er. Nous voyageons de nuit. Nous faisons un crochet à Tel-Aviv où nous devons attendre plusieurs heures pour prendre le bus de minuit pour la frontière. Nous achetons deux canettes de bière et patientons dans le hall de la gare routière. Une jeune femme de 25 ans s’assoit à mes côtés. Elle nous entend parler du voyage et m’interpelle en anglais : « Oh, vous allez passer quelques jours dans le Sinaï, c’est sympa ! ». Nous lui expliquons que nous avons surtout planifié de se rendre à la capitale égyptienne pour voir les pyramides et le musée du Caire, puis d’aller à Luxor visiter la Vallée des Rois, la Vallée des Reines et autres temples pour finir nos derniers jours de vacances à Dahab dans la Sinaï au bord de la Mer Rouge, histoire de se relaxer et dépenser notre argent en restaus et activités touristiques. Elle nous annonce alors : « Justement, je vais au Caire moi aussi. Je suis journaliste au Jerusalem Post et je dois couvrir les évènements. Nous n’avons qu’à faire la route ensemble ». Chose dite, chose faite. Pour ma part, j’ai ma caméra avec moi et je compte bien filmer tout ce que je vois, spécialement au Caire.

Nous arrivons à Eilat à 4:30 du matin. Nous prenons un taxi pour la frontière, nommée Taba. Le chauffeur nous signale que personne ne va en Egypte en ce moment, à cause de la situation délicate qui règne dans le pays. En effet, le poste de contrôle est vide de touristes, peut-être parce que nous sommes en pleine nuit, pense-t-on. Nous voyons quelques badauds rentrer en Israël. Nous nous dirigeons vers le passage pour les départs. Les contrôles sont effectués par des femmes soldats. Nous changeons nos shekels en livres égyptiennes. Tout se fait rapidement, dernier contrôle, dernière vérification des passeports et tampon de sortie. Nous faisons un pas de plus, nous sommes en Egypte. Et là, rien. Personne. Nous commençons à marcher quand un homme affalé sur une chaise en plastique à ma droite, somnolant complètement, nous baragouine en arabe. Il contrôle mon passeport car je suis le plus proche de lui, puis quand mes acolytes s’apprêtent à donner le leur, il nous fait signe d’avancer, sans même jeter un œil à leurs documents de voyage, puis se rendort. Nous continuons la route qui s’élance devant nous. Après 50 mètres, un énorme panneau bleu nous hurle à la figure, en arabe et en anglais « WELCOME IN EGYPT ».


Encore un peu plus loin, on entre enfin dans le poste de contrôle égyptien, partie « Arrivals ». Le changement avec Israël est radical. L’odeur du hall est saisissante, ça sent le vieux, le renfermé. Des néons blancs chancelants éclairent le sinistre endroit. Un homme délégué pour un hôtel de Luxe à Taba est plongé dans ses rêves derrière son comptoir orné d’images de pyramides et de palmiers. Nous continuons à avancer. Le portique électrique et le tapis roulant de contrôle des bagages et maintenant devant nous. Personne. Nous hésitons à passer le portique par nous-mêmes quand deux militaires apparaissent enfin, les yeux encore assoupis. Leurs uniformes noirs ressemblent à des déguisements tout droit sorti des parades militaires communistes des années 70. Manches trop longues, veste trop large. Ils se décident à nous faire passer la sécurité. Nous déposons nos sacs sur le tapis roulant. Je traverse le portail électrique après avoir déposé le contenu de mes poches dans un petit panier en plastique rafistolé avec du scotch, ressemblant à ceux qu’on utilise chez les épiciers à Paris pour choisir des sucreries. Mon passage fait quand même sonner la machine. On me palpe à peine et me fait signe que c’est ok. J’aurais pu facilement dissimuler une arme à l’arrière de mon jean, dans mon dos, les israéliens n’opérant aucune fouille pour sortir d’Israël : c’est le problème des égyptiens.

Maintenant, on doit attendre le « Capitaine », qui doit tamponner nos passeports. Il arrive au bout de cinq minutes. La quarantaine, une moustache fine et le charisme de chef qui va avec. Souriant, il nous demande si nous avons déjà un visa. Pour rester dans la région du Sinaï, nous n’avons pas besoin de visa. Un laissez-passer de 14 jours est donné gratuitement aux touristes. Par contre, pour se rendre au Caire, un visa est nécessaire, et il est payant « bien entendu ». Nous n’avons pas de visa, et le capitaine nous indique qu’il faut aller au Consulat égyptien à Eilat pour s’en procurer un. Retraverser la frontière, retourner en ville, attendre que le Consulat ouvre (nous sommes maintenant vendredi et il nous dit qu’il est fermé). Nous lui disons qu’on nous a murmurés que l’on pouvait en obtenir un ici. Il réfléchit, non ce n’est pas possible…Nous imitons des mines décrépies. Attendez. Il y a peut être une solution, nous glisse-t-il. Nous pouvons négocier avec un guide égyptien assermenté qui nous mettrait comme clients de sa compagnie de voyage, ce qui nous permettrait d’avoir un papier officiel, et ainsi d’acheter un visa pour le Caire ici-même. Mais où trouver un guide à 5h du matin dans ce lieu alors qu’il y a personne, et surtout comment le reconnaître et l’interpeller ? « Attendez un peu, peut-être qu’un guide va arriver. Si j’en vois un, je lui dirai de venir vous voir. Sit down, welcome in Egypt », finit-il par répondre. Cette fin de phrase m’a particulièrement marqué : L’Egypte, le monde arabe. S’asseoir, attendre, patienter. C’est clair, le temps ne s’écoule pas de la même façon ici.

Au bout de quelques minutes, un guide, comme par magie, à moitié endormi comme tous le monde ici, se dirige vers nous. Il nous fait sa proposition, 60 dollars américains pour la magouille et 15 dollars pour le papier. Nous négocions. Le monsieur est ferme, mais cède un peu. On s’en sort pour 50 dollars en tout, payable en livres égyptiennes. Il chuchote ensuite au capitaine, qui nous fait finalement le visa. This is Egypt.

Le jour se lève sur Taba. Nous marchons le long de la route qui doit nous mener à la gare routière, direction Le Caire. D’un côté la Mer Rouge, quelques hôtels, et de l’autre, les magnifiques montagnes du Sinaï. Nous sommes abordés par des chauffeurs de taxi bédouins douteux, têtes couvertes de keffieh rouge et djellaba, qui nous proposent des prix imbattables pour 7h de voiture. L’un deux nous lance même un « Boker Tov (« Bonjour / Bon matin » en hébreu) » avec un fort accent arabe. Nous ignorons les différentes demandes.
On prend un thé en attendant notre bus. On doit négocier pour tout, et on a le sentiment de se faire toujours avoir. Le bus n’est pas trop pourri.

Nous voilà enfin direction Le Caire, 7h d’asphalte abîmé qui commence. Nous sommes les seuls étrangers dans le véhicule…



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